C'est une situation ancienne, récurrente et insupportable : les ascenseurs qui ne fonctionnent pas pendant des semaines, voire des mois dans les banlieues nord de Paris, en Seine-Saint-Denis ou dans le Val-d'Oise. Exaspérés, cette fois, des habitants organisent la riposte.
Aux Musiciens, à Argenteuil (Val-d'Oise), comme à la cité de l'Europe à Aulnay-sous-Bois ou Paul-Eluard à Bobigny (Seine-Saint-Denis), c'est à chaque fois la même plainte, la même exaspération: des ascenseurs qui fonctionnent par intermittence ou sont à l'arrêt depuis plusieurs mois, des délais d'intervention très longs, trop longs et des réparations sans effet.
INCIVILITÉS ET VÉTUSTÉ
Une exaspération aussi sans doute dûe à l'argumentation de nombre de bailleurs qui affirment que ces pannes sont les conséquences "d'actes d'incivilités et de vol de matériels". Les incivilités, c'est vrai, il y en a. Mais elles ont souvent bon dos et on les invoque un peu trop facilement. Car les pannes, les soucis de fonctionnement sont aussi souvent le résultat de la vétusté, du mauvais entretien, de la multiplication des systèmes électroniques qui vieillissent peu et mal et de la disparition des sociétés d'ascenseurs qui ont souvent disparu lorsque surviennent les problèmes sur le matériel qu'elles ont construit et installé. Le secteur, par ailleurs très actif et puissant lorsqu'il s'agit de faire du lobbying, mériterait de faire l'objet d'un sérieux coup de ménage.
Cette fois, des responsables d'amicales de plusieurs quartiers se sont constitués en collectif. Ils ont rencontré un avocat afin de réfléchir à la possibilité d'une action de groupe et entendent désormais faire pression sur les bailleurs. Reportage à Aulnay-sous-Bois et à Bobigny avec Fanny Bouteiller et Pierre Pachoud
Voir la vidéo : http://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/contre-ascenseurs-panne-habitants-organisent-riposte-1115811.html
Dans plusieurs villes de la banlieue nord de Paris, la révolte gronde contre les pannes d'ascenseur à répétition, qui rendent la vie impossible aux locataires HLM. Au point que certains ont décidé d'attaquer leur bailleur en justice.
"Ca fait six mois qu'on est sans ascenseur. Je ne descends que quand je suis obligée. Ca me rend dépendante de tout le monde", fulmine Viviane Hemmerlé, 63 ans. Cette locataire d'Argenteuil, invalide à 80%, a beau n'habiter "qu'au troisième", monter les escaliers est un "calvaire". A chaque palier, elle s'arrête pour reprendre son souffle.
"On paie notre loyer, on veut notre ascenseur"
Val-d'Oise Habitat, le bailleur, a dépêché des porteurs."Ils ne sont pas là tout le temps et moi je veux descendre faire mes courses quand j'en ai envie. On paie notre loyer, on veut notre ascenseur!", ajoute Mme Hemmerlé, qui a assigné l'office HLM pour préjudices moral et physique. Pour le bailleur, qui s'est engagé à rembourser une partie des charges, ces pannes sont "dues à des actes d'incivilités et de vol de matériels, qui ont fait l'objet de dépôts de plainte". Et malheureusement, l'entreprise qui fournit les pièces détachées a fait faillite. "On nous fait culpabiliser en disant que c'est du vandalisme. Ca peut arriver mais c'est toujours bénin", conteste Abdelmalik Ziouche. Lui n'est pas "le plus à plaindre: ma voisine du 5e, ça fait 6 mois qu'elle est pas descendue! Pourquoi on nous prend pas en considération? C'est humiliant et frustrant car on n'a aucun recours, on ne fait que subir", s'indigne ce quadragénaire.
1 mois et demi sans ascenseur, un calvaire pour Martine Fontaine, en fauteuil roulant
A Bobigny, l'immeuble bas où vit Martine Fontaine n'a que quatre ans d'existence mais l'ascenseur est aussi capricieux que dans les tours voisines. Et pour cette handicapée, en fauteuil roulant, la vie est devenue impossible. Cet été, l'appareil est resté immobilisé 45 jours. Et "ça recommence à débloquer. On nous raconte des baratins, comme quoi il faudrait 8 semaines pour faire venir une pièce d'Espagne..."
Les habitants ont prévu de manifester mercredi sous les fenêtres du bailleur, Emmaüs Habitat
Mardi, des responsables d'amicales de plusieurs quartiers de Seine-Saint-Denis se sont constitués en collectif. Ils ont rencontré un avocat afin de réfléchir à la possibilité d'une action de groupe. "Les habitants de Bobigny ne veulent ni plus ni moins que ceux de Neuilly-sur-Seine: jouir de leurs droits. La panne doit être l'exception, pas la règle", affirme Fouad Ben Ahmed, à l'origine de cette initiative. "J'aime ma cité et vivre dans la dignité": à la cité de l'Europe d'Aulnay-sous-Bois (800 logements), où les pannes d'ascenseurs viennent s'ajouter à une longue liste de problèmes, les habitants ont prévu de manifester mercredi sous les fenêtres du bailleur, Emmaüs Habitat. "Le but de la mobilisation est de dire à Emmaüs qu'on est des êtres humains, qu'ils arrêtent de nous prendre pour des rats ou des cafards qu'on met dans des boîtes d'allumettes", dit Mohammed Maatoug, président de l'amicale des locataires. "Si on n'arrive pas à se faire entendre, prévient-il, on gèlera les loyers puis on les attaquera en justice".