En 2016 en France, 10,7 millions de personnes (sur une population totale de 67 millions) étaient locataires d’un logement social, soit un habitant sur six, révèle une étude publiée mercredi soir par l’Insee (1). La majorité de ce parc – constitué de 4,5 millions d’habitations – se trouve dans les grandes agglomérations, là où les prix de l’immobilier et les loyers du privé sont les plus élevés, et donc inaccessibles aux ménages pauvres, modestes, et même à la petite classe moyenne. Dans ce sens, les HLM jouent leur rôle de bailleurs sociaux, en proposant à ces familles une offre locative à des tarifs accessibles : selon les villes, les loyers des HLM sont deux à trois inférieurs à ceux du privé.

 
 
Où se trouvent les logements sociaux ?

«En 2016, les unités urbaines de plus de 200 000 habitants, (y compris celle de Paris) regroupent 57% des logements sociaux, souligne l’Insee.[…] La part des locataires du parc social par rapport au secteur libre est de ce fait plus importante en région parisienne, dans le nord de la France et dans les grandes villes telles que Lyon, Nantes ou Marseille.»Historiquement, une partie importante de ce parc a été construit pendant les Trente Glorieuses (1945-1975), à la périphérie de ces grandes aires urbaines, lorsqu’il fallait loger les salariés d’une économie en pleine croissance et aussi 1 million de personnes rapatriées d’Algérie. Mais avec la crise économique (et l’accession à la propriété des classes moyennes qui sont parties en habitat individuel), cet habitat s’est paupérisé. De fait aujourd’hui, près du tiers des HLM (31%) se trouvent dans «les quartiers prioritaires de la politique de la ville», indique l’étude. Des quartiers où l’habitat social prédomine largement, jusqu’à représenter 71% des logements dans les quartiers de la politique de la ville d’Ile-de-France. «Les propriétaires occupants et les locataires du secteur libre [ne] représentent […] respectivement [que] 15% et 17% du parc.»

Quelles sont les ressources des locataires du parc social ?

Les révélations récurrentes concernant des élus ou des personnalités aux revenus confortables logés à des loyers dérisoires dans quelques immeubles HLM du centre de Paris ne doivent pas faire illusion : les locataires HLM sont plutôt modestes, voire pauvres, comparés à ceux du parc privé ou aux ménages propriétaires de leur logement. «En 2016, le niveau de vie médian (2) des locataires du parc social s’élève à 15 100 euros par an, contre respectivement 17 900 euros [pour ceux du secteur privé ndlr] et 23 300 euros […] pour les propriétaires.»

En conflit avec le gouvernement qui lui a supprimé 1,5 milliard de moyens financiers par an, le monde HLM, qui est sorti affaibli de ce bras de fer avec l’exécutif, n’a cessé de rappeler ces derniers mois qu’il est l’un des acteurs de la cohésion sociale en accueillant des ménages pauvres qui ne trouveraient pas à se loger ailleurs, spécialement dans les grandes villes. Le niveau de ressources des demandeurs est un des principaux critères d’attribution des HLM. Sous forme statistique, l’étude de l’Insee ne dit pas autre chose : «Les ménages aux plus faibles niveaux de vie sont […] surreprésentés dans les logements sociaux […]. Les situations de pauvreté sont ainsi plus fréquentes.» L’Insee indique que 35% des ménages vivant en HLM ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, contre 23% pour ceux du parc privé et 7% pour les propriétaires de leurs logements. L’étude précise que seuls 3% des habitants du parc social [chiffre rectifié par l'INSEE jeudi 25 octobre qui la veille annonçait 2%] appartiennent aux 20% des personnes les plus aisées. Encore faut-il noter que les deux tiers habitent dans l’unité urbaine de Paris, où les loyers du privé sont devenus problématiques y compris pour des familles disposant de revenus considérés comme confortables.

Locataires du parc social : quel profil familial ?

Pauvreté et situation de familles sont souvent liées dans le parc social. «Les familles monoparentales sont surreprésentées dans le parc social où elles sont en proportion deux fois plus nombreuses que dans l’ensemble du parc [de logements]», souligne l’Insee. Et pour cause : elles répondent plus souvent que les autres demandeurs de HLM «aux critères d’attribution d’un logement social car leurs situations financières sont souvent parmi les plus précaires», pointe l’étude. Ces ménages constitués d’un seul parent avec un ou plusieurs enfants, vivent «plutôt en milieu urbain […] et plus particulièrement dans les couronnes des grands pôles urbains», dont l’Ile-de-France.

Les couples avec enfant(s), et notamment les familles nombreuses sont aussi surreprésentées dans le logement social. Outre le fait que ces grands foyers sont souvent modestes, «les caractéristiques de ces logements favorisent l’accueil de ces ménages : en 2016 les logements de 3 et 4 pièces représentent respectivement 37% et 29% de ces parcs». Une offre d’appartements familiaux précieuse notamment dans les grands pôles urbains, où le parc est constitué d’une majorité de petits logements.

L’Insee souligne aussi qu’un «tiers des ménages [31% ndlr] dont la personne de référence est née à l’étranger habite dans le parc social»,contre «14% des ménages dont la personne de référence est née en France». Rien d’étonnant, car cette différence est en relation avec les «caractéristiques sociodémographiques» de ces populations (revenus modestes, composition familiale) qui correspondent aux critères d’attribution du logement social : 50% des natifs d’Afrique subsaharienne, 39% de ceux de Turquie et 38% de ceux du Maghreb habitent en HLM.

(1) Insee-Première N.1715 octobre 2018

(2) Le niveau de vie correspond aux revenus d’un ménage, divisé par le nombre d’unité de consommations (autrement dit des personnes qui le composent). Un couple c’est 2 unités de consommations. Un couple avec un enfant âgé de plus de 14 ans, c’est 2,5 unités de consommations.

Tonino Serafini