Habitat indigne en Val-de-Marne : et maintenant les pavillons divisésAvec la pression de l’immobilier, des propriétaires achètent des biens pour en louer la moindre pièce. Ce nouveau phénomène gagne les villes moyennes.
L'habitat potentiellement indigne s'étend bien au-delà, désormais, des plus proches communes de Paris. Avec la pression des prix de l'immobilier, les locataires aux faibles ressources vont toujours plus loin en quête d'un toit de fortune. En 2013, on estimait à près de 17 000 le nombre de logements potentiellement indignes dans le Val-de-Marne, soit 4,2 % du parc privé. Et l'habitat indigne revêt, depuis peu, une nouvelle forme : des propriétaires pratiquent maintenant ce que l'on appelle la « division pavillonnaire ».
Ces propriétaires achètent une maison et, pour la rentabiliser, découpent la superficie pour en louer chaque m2. Avec plus ou moins de scrupules. Parfois, la moindre pièce, de la cave au grenier, jusqu'au cabanon au fond du jardin, est louée, plusieurs centaines d'euros. Ces situations apparaissent, selon la Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (Drihl), dans une « nouvelle couronne », les communes moyennes de l'est du département notamment.

« C'est un sujet dont le territoire Grand Paris Sud Est Avenir va se saisir, en lien avec les maires, car les petites communes n'ont pas assez de moyens », prévient la vice-présidente, Marie-Christine Ségui (LR). À Chennevières, le maire Jean-Pierre Barnaud (MoDem) se veut rassurant : « On a quatre ou cinq maisons de ville. Il arrive qu'on fasse des visites. Mais ce n'est pas de l'habitat indigne. Cela pose surtout problème, par exemple, pour les poubelles, faute de local dédié. »
À Ormesson, c'est plus flagrant. « On s'en aperçoit aux nombres de boîtes aux lettres, aux fenêtres, explique Marie-Christine Ségui. On constate surtout des branchements qui ne sont pas aux normes, des problèmes d'humidité. Mais encore faut-il que les occupants nous ouvrent. Ils ont souvent peur de perdre leur logement. »
Val-de-Marne : ce que prévoit le plan départemental contre l’habitat indignePrès de 17 000 des logements privés du Val-de-Marne sont considérés comme potentiellement indignes. Le plan départemental destiné à faciliter le travail de tous les acteurs concernés vient d’être signé.
Des marchands de sommeil qui profitent de la misère humaine pour louer à prix d'or des logements insalubres. Des propriétaires privés qui n'ont pas les moyens d'entretenir leurs biens, au risque d'un danger pour la sécurité ou la santé des locataires… L'habitat indigne recouvre diverses réalités.
Dans le Val-de-Marne, les derniers chiffres (2013) estiment à près de 17 000 (sur 127 000 au niveau de la métropole du Grand Paris) le nombre de logements potentiellement indignes, soit 4,2 % du parc privé. En tête, Ivry, puis Vincennes, Saint-Maur-des-Fossés, Vitry et Villeneuve-Saint-Georges. Une situation qui vaut au département d'être classé « territoire d'accélération », au même titre que la Seine-Saint-Denis ou l'Essonne, par le gouvernement qui en a fait une « priorité ».
À ce titre, le pôle départemental de lutte contre l'habitat indigne devait établir, avant le 30 avril, son plan de lutte. Il a été signé le 28 mai. « Cette synergie des acteurs va nous permettre de prévenir les situations d'habitat indigne, les corriger et les réprimer », résume Martine Laquièze, sous-préfète de L'Haÿ-les-Roses, référente sur le sujet. Voici ce qui va changer.
Les agents des communes formés. Seulement 17 communes sur 47 disposent d'un service d'hygiène et de salubrité capable de repérer les situations. Démunies face aux copropriétés dégradées, aux marchands de sommeil et à la division pavillonnaire qui se renforce, 20 communes vont bénéficier d'« une boîte à outils » pédagogique : des fiches pratiques et des ateliers menés par les agents de la Direction régionale et interdépartementale de l'habitat et du logement (Drihl), de l'Agence régionale de santé…

Des permis de louer ou de diviser. Les communes peuvent imposer des permis de louer ou permis de diviser, depuis le décret d'application de la loi Alur, fin 2016. À Valenton, depuis le 1er juillet 2018, pour mettre un bien en location dans les quartiers des Coteaux, des Vignes et du Val Pompadour, les propriétaires ou bailleurs doivent en faire la demande. Bonneuil s'y met et Ivry devrait se lancer « d'ici la fin de l'année, prévoit Mehdi Mokrani, adjoint PCF. Mais on ne veut pas en faire un simple gadget. On veut établir une réelle base de données du parc privé. »
Les communes pourront faire des travaux. Mais l'outil qui devrait améliorer le plus rapidement la vie des locataires en habitat indigne, c'est la possibilité pour les communes de faire des travaux, payés à 100 % par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), avant de se retourner vers les propriétaires. Ivry va chercher à s'en servir « sur quelques adresses ». « Mais il faut une pérennisation », insiste Mehdi Mokrani. Le dispositif annoncé fin avril n'est possible que pour 2019. Et l'élu de miser aussi sur le travail « en bonne intelligence » avec les petits propriétaires privés qui, en échange de la remise en état du bien par l'Anah, acceptent de louer à des tarifs sociaux.
La répression judiciaire. Le parquet de Créteil, sur impulsion de la procureure Laure Beccuau, avait ouvert le premier groupe local de traitement de la délinquance en 2018, à Villeneuve-Saint-Georges. Avant même la circulaire gouvernementale. Un magistrat centralise ainsi les signalements et mène les procédures. À Villeneuve, le travail avec la commune a abouti à l'arrestation et à la condamnation de trois marchands de sommeil. Avec le plan départemental, ce travail va pouvoir être dupliqué dans toutes les communes. « Nous voulons faire en sorte que le terrain du Val-de-Marne devienne de plus en plus inamical pour les marchands de sommeil et de plus en plus aidant pour les personnes en difficulté », conclut la procureure.