Voir rapport complet de la Fondation Abbé Pierre: link
PERSONNES NON OU TRÈS MAL LOGÉES
Sans-domicile-fixe (1) 100 000
Personnes privées de domicile personnel 493 500
- dont résidence principale en chambre d’hôtel (2) 50 000
- dont habitat de fortune : cabane, construction provisoire... (2) 41 400
- dont personnes vivant à l’année en camping ou en mobile home... (3) 100 000
- dont personnes hébergées chez des tiers faute d’autres solutions qui viventd ans des conditions de logement très difficiles (4) 150 000
- dont personnes en structures d’hébergement et d’insertion : CHRS, CADA, places en hôtel pour demandeurs d’asile, accueil d’urgence (hors CHU), résidences sociales*, ALT (5) 152 100
Personnes vivant dans des conditions de logement très difficiles** : logements inconfortables, de mauvaise qualité et logements en surpeuplement accentué (hors double compte) (6) 2 044 000
Personnes en situation d’occupation précaire *** 861 300
- dont locataires ou sous-locataires d’un meublé (7) 640 300
- dont personnes occupant un logement sans droit ni titre suite à une décision de justice prononçant l’expulsion (8)**** (88 400 ménages) ~= 221 000
NOMBRE TOTAL DE PERSONNES CONNAISSANT UNE PROBLÉMATIQUE FORTE DE MAL-LOGEMENT 3 498 800
Logements en copropriétés dégradées nécessitant une intervention publique (9) (350 000 logements) ~= 875 000
Personnes en situation d’impayés ~= 1 412 000
- dont locataires en impayés de loyer (7) (494 800 ménages) ~=1 237 000
- dont propriétaires en impayés de charges ou de remboursement d’emprunt (7) (70 000 ménages) ~=175 000
Personnes vivant en situation de surpeuplement « au sens large » hors surpeuplement « accentué » (10)
(surpeuplement au sens large = nombre de pièces standard - 1 pièce) 3 507 000
Personnes hébergées chez des tiers (amis ou famille)
hors hébergés qui vivent dans des conditions de logement très difficiles (4) 823 000
NOMBRE TOTAL DE PERSONNES EN SITUATION DE RÉELLE FRAGILITÉ À COURT OU MOYEN TERME 6 617 000
SOURCES
PERSONNES EN SITUATION DE RÉELLE FRAGILITÉ À COURT OU MOYEN TERME
(1) L’enquête Sans Domicile 2001 de l’Insee comptabilise 86 500 personnes sans domicile fixe. Mais tous les observateurs s’accordent à dire que 8 ans plus tard, leur nombre a atteint un minimum de 100 000 personnes.
(2) Insee, Recensement général de la Population, 1999.
(3) CNRS (France Poulain, chercheuse) et pôle national de lutte contre l’habitat indigne (2005).
(4) Fondation Abbé Pierre d’après l’Enquête nationale Logement (Enl), Insee, 2002.
(5) Cour des comptes (rapport thématique publié en avril 2007) et DGALN (Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature) - DGAS (Guide des dispositifs publié en septembre 2008).
(6) DGALN à partir du traitement de l’Enl 2006.
(7) Insee, Enl, 2006.
(8) Fondation Abbé Pierre d’après les données du ministère de l’Intérieur.
(9) DGALN et Enl 2002.
(10) Insee, Enl 2002 (dans l’attente de l’exploitation de cette variable dans l’Enl 2006).
*. Nous avons comptabilisé les résidences sociales « classiques », sans prendre en compte les Maisons-relais et les places en Foyers de jeunes travailleurs ou Foyers de travailleurs migrants non transformées en résidences sociales.
**. Selon les estimations du Pôle national de lutte contre l’habitat indigne, les risques sanitaires liés à l’habitat indigne concernent 400 000 à 600 000 logements dans lesquels vivent un peu plus d’un million de personnes. Ces logements se retrouvent vraisemblablement pour l’essentiel parmi les logements recensés dans cette rubrique.
***. Les « personnes en situation d’occupation précaire » constituent une nouvelle rubrique regroupant d’un côté les locataires et sous locataires de meublés, et de l’autre les ménages qui occupent un logement sans droit ni titre suite à une décision de justice prononçant l’expulsion (précisons que ces derniers figuraient auparavant dans le tableau des « personnes en situation de fragilité à court ou moyen terme »).
****. Au cours des trois dernières années (2005 à 2007), il y a eu 120 004 demandes de concours de la force publique ayant fait suite à une décision de justice prononçant l’expulsion. Ces locataires deviennent de fait occupants sans droit ni titre et peuvent être expulsés sans nouvelle décision de justice. Si l’on extrait de ces ménages les 31 519 qui ont effectivement été expulsés avec le concours de la force publique de 2005 à 2007, on trouve le résultat suivant : 120004 – 31519 = 88 485 ménages qui sont logés mais vivent avec la menace permanente d’être expulsés du jour au lendemain.
Résumé du rapport de la Fondation Abbé Pierre (Source Rapport Fondation Abbé Pierre)
L’Etat du mal-logement en France 13 février 2008
Rendu public le 13 février dernier, le rapport mal-logement 2008 de la Fondation Abbé Pierre vient confirmer et étayer les prises de positions successives qui ont permis de hisser la question du logement sur la scène médiatique depuis quelques mois.
Le constat fait par la Fondation sur la situation du logement en France est saisissant : plus de 3,3 millions de personnes sont confrontées à des problèmes de mal-logement graves dans le pays, dont près de 100 000 sont des sans domicile fixes et 1 million des personnes privées de domicile personnel – c’est-à-dire des personnes résidant à l’hôtel, dans un abri de fortune, dans un camping à l’année, chez un proche ou dans un organisme d’hébergement. Il faut ajouter à ces situations dramatiques, plus de 6 millions de personnes qui vivent dans une situation de réelle fragilité à court ou moyen terme (habitat insalubre, loyers impayés, surpeuplement du lieu d’habitation, ...).
Cette situation, qui n’est pas nouvelle, est inacceptable. Relégation sociale, graves problèmes sanitaires, isolement ; le mal-logement provoque chaque année le « décrochage » de milliers de personnes, qui ne peuvent répondre aux contraintes de notre société.
Face à cette situation, une mobilisation de grande ampleur de l’ensemble de la société est nécessaire. Le sujet ne date cependant pas d’hier et l’on peut être surpris devant les faibles résultats engrangés jusqu’à présent. Certains faits rappelés dans le rapport sont à ce titre particulièrement éclairant par rapport à la réalité de cette « mobilisation » et montre bien l’inadaptation de certaines réponses apportées dans le passé :
Le niveau des dépenses consacrées au logement par la collectivité n’a jamais été aussi bas depuis 30 ans. L’Etat est directement en cause puisque cette diminution est le résultat direct de la réduction de son effort financier (en particulier depuis 2001).
La nature des logements construits ne répond pas aux besoins de la population. Ainsi, en 2006 comme en 2007, seuls 24% des logements qui ont été construits étaient destinés aux ménages relevant des plafond PLUS (alors que 70% des ménages entrent dans cette catégorie !). On peut d’ailleurs incriminer ici l’efficacité des subventions publiques, en particulier celles portant sur le parc privé (par exemple la loi De Robien) qui, en n’exigeant pas de réelles contreparties sociales aux déductions fiscales consenties, se sont traduits par un gaspillage de l’argent public sans amélioration des conditions de vie des plus pauvres.
Enfin de nombreuses villes continuent à ne pas prendre part à l’effort de solidarité national fixé et encadré par la loi SRU.
Nous vivons aujourd’hui une situation d’urgence devant laquelle l’immobilisme est incompréhensible et tout simplement insupportable. Comme le dit Christophe Robert, le Directeur des Etudes de la Fondation Abbé Pierre, on ne peut être qu’effaré devant le « fossé » qui s’est creusé entre ce que vive les ménages et la réponse politique apportée. Pour résoudre ce problème quelles sont les pistes avancées par le rapport ?
Au chapitre des mesures positives, la Loi Dalo, instituant le fameux droit opposable au logement, apparaît comme une vraie opportunité.
Cependant, cette mesure ne restera qu’un leurre cruel et inefficace si l’on ne met pas en œuvre plus de moyens pour garantir son application (ce qui est loin d’être le cas à l’heure actuelle). Pour répondre à ces défis, le rapport décline un programme cohérent de mesures, directement applicables, qui s’attachent à répondre à quatre objectifs prioritaires, parfaitement complémentaires et formant un plan homogène :
Produire et capter du logement social. Ceci doit notamment permettre de répondre à l’étranglement financier de nombreux ménages modestes qui, ne pouvant accéder au parc social, se tournent vers le parc privé sans réussir à se loger pour un prix raisonnable ou dans des conditions décentes. On touche ici au cœur du problème du pouvoir d’achats des Français qui peut être résumé par le chiffre suivant : le taux de dépenses contraintes (dont le logement est l’un des postes les plus importants) des ménages est passé de 22 à 45% de leur budget entre 1960 et 2006. A ces contraintes financières s’ajoutent en plus les exigences des loueurs (caution) qui empêchent l’accession à un logement à de nombreuses personnes solvables mais en situation précaire. Par rapport à la situation actuelle, l’effort doit particulièrement porter sur l’augmentation des logements à loyer abordable afin de combler le fossé qui existe aujourd’hui entre le parc social, complètement saturé, et le parc privé.
Prendre en compte la dimension territoriale du problème, c’est-à-dire veiller à répartir les efforts sur l’ensemble du territoire plutôt qu’entre les seules mains des communes confrontées à ces problèmes.
Permettre à l’hébergement d’urgence de jouer pleinement son rôle. Ceci passe notamment par redonner des capacités d’accueil et des moyens à ces structures qui sont aujourd’hui saturées et ne peuvent plus remplir leur mission d’accueil d’urgence et de réinsertion (par exemple 30% des résidents de CHRS à Paris auraient vocation à rejoindre le parc locatif mais sont dans l’incapacité de le faire et limitent d’autant les capacités d’accueil des centres).
Tarir les sources d’exclusion du logement. Le rapport souligne que le meilleur moyen de lutter contre les méfaits du mal-logement reste d’éviter les accidents de parcours. A ce titre , la lutte contre les expulsions locatives doit donc être une vraie priorité.
Un autre apport particulièrement intéressant du document est de tirer les leçons des politiques passées, et d’exposer un certain nombre de principes indispensables à la réussite de toute initiative dans ce domaine. A l’avenir, il faut donc que tous les acteurs concernés et l’ensemble des citoyens se montrent particulièrement vigilants sur la bonne application de ces principes fondamentaux. Le rapport en cite trois en particulier :
Les lois votées doivent être appliquées (loi SRU, accueil des Roms) : certaines mesures existent déjà mais ne sont pas appliquées à cause d’élus récalcitrants.
Toutes les subventions publiques doivent avoir des contreparties sociales.
Aucune solution n’est envisageable sans un engagement financier conséquent. L’argument que l’on pourrait régler le problème sans mettre plus de moyen est illusoire. La Fondation chiffre cet effort de la collectivité (Etat et acteurs privés confondus) à taux minimal de 2% du PIB (contre 1,78% à l’heure actuelle).
Le problème du mal-logement peut sembler à certains comme désespéré, pourtant de multiples solutions existent et l’effort à produire est largement connu : la collectivité doit se fixer comme objectif de construire 500 000 logements par an dont au moins la moitié doit être à destination des ménages les plus modestes (PLUS, PLAI, ou parc privé à loyer abordable). Cet objectif est ambitieux mais pas inaccessible. Il ne pourra cependant être atteint sans une mobilisation sans faille.
Dans ce combat tout le monde peut être acteur ; la Fondation Abbé Pierre nous livre un rapport utile, clairvoyant qui déclinent l’ensemble des mesures à mettre en œuvre. Désormais à nous, à vous, d’agir !