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Fier.e.s de travailler pour le service public du logement

 

 

3 février 2022 4 03 /02 /février /2022 17:35

OÙ VA LA FRANCE ? Au 62, rue de Meaux, copropriété en péril à Paris (XIXe), les locataires pris au piège et propriétaires expropriés regrettent que la question du logement soit absente de la campagne présidentielle. Ils attendent des engagements contre les marchands de sommeil et le mal-logement.

 
Murs rongés par l’humidité, serrures forcées, tuyauterie à nu, escalier de guingois… au 62, rue de Meaux (Paris XIXe), l’immeuble vit ses derniers mois. En 2026 au mieux, douze logements sociaux sortiront de terre. LP/Jean-Baptiste Quentin

Murs rongés par l’humidité, serrures forcées, tuyauterie à nu, escalier de guingois… au 62, rue de Meaux (Paris XIXe), l’immeuble vit ses derniers mois. En 2026 au mieux, douze logements sociaux sortiront de terre. LP/Jean-Baptiste Quentin 

Notre série de reportages « Où va la France ? »

Les 10 et 24 avril, les Français éliront le prochain président ou la prochaine présidente de la République. Pour comprendre les changements à l’œuvre dans notre société et cerner les attentes des citoyens dans cette campagne, les journalistes du Parisien-Aujourd’hui en France partent chaque semaine à leur rencontre. Ils saisiront une tranche de vie, un coup de colère, une lueur d’espoir. Une plongée dans le quotidien de ceux qui feront l’élection pour comprendre où va la France.

À la télé, c’est Info Sport plutôt que la Chaîne parlementaire. « Ah, la politique ! C’est que des promesses, toujours la même histoire », sourit Chawki, 41 ans, le boss de Coiff 19, situé rue de Meaux (Paris XIXe), entre deux coupes pour hommes. Ici, les clients ne manquent pas, mais il va falloir baisser le rideau, l’expropriation est pour bientôt. « J’aimerais rester dans le coin », explique cet enfant du XIXe.

Proche tous commerces, les Buttes-Chaumont et la Villette à deux pas, 10 000 euros le mètre carré… Sauf au 62, rue de Meaux. L’adresse est devenue l’emblème de la lutte contre les marchands de sommeil. Deux SCI ont plongé la copropriété de six étages dans une spirale sans retour. Le Prince, alias Frédéric d’Aris, qui comparait, sur le talk-show « Ça se discute », son activité de marchand de biens au jeu du Monopoly, dort en prison en attendant d’être rejugé. Sur place, lui et ses acolytes ont laissé un souvenir acre.

Chawki est coiffeur au rez-de-chaussée de l'immeuble. Il devra bientôt baisser définitivement le rideau.
Chawki est coiffeur au rez-de-chaussée de l'immeuble. Il devra bientôt baisser définitivement le rideau. LP/Jean-Baptiste Quentin

Murs rongés par l’humidité, serrures forcées, tuyauterie à nu, escalier de guingois… L’immeuble vit ses derniers mois. En 2026 au mieux, douze logements sociaux avec commerces en rez-de-chaussée sortiront de terre à la place de la cinquantaine d’appartements. La Soreqa, un aménageur public, rachète les logements et organise les relogements des habitants de bonne foi.

800 euros par mois pour un studio de 19 m2... et un arrêté de péril

« Les problèmes de logement, ça touche tout le monde, j’ai eu beau balayer les programmes, on n’en parle pas, aucun candidat n’en parle », regrette Florian, locataire, 28 ans. Abstraction faite des moisissures au bas des murs, sa studette est impeccable, le canapé-lit replié, rien ne traîne, même pas la nourriture, enfermée dans des bocaux « pour éviter d’attirer les souris et les cafards ». Enfant de classe moyenne, grandi en banlieue, il a étudié à Berlin, Dauphine…

Bac + 5 en droit des affaires, le juriste n’avait pas le temps de faire la fine bouche quand on a accepté de lui louer ces 19 m² pour 800 euros charges comprises. Il avait quinze jours pour trouver un logement et une alternance, il commençait une année à l’Essec, à 20 000 euros. Les étais étaient déjà posés, mais des travaux devaient remettre l’immeuble d’aplomb.

Florian, étudiant locataire d'un studio, se dit de «moins en moins serein de dormir ici».
Florian, étudiant locataire d'un studio, se dit de «moins en moins serein de dormir ici». LP/Jean-Baptiste Quentin

Patatras. En janvier 2020, arrêté de péril. Squat, deal, proxénétisme, les appels incessants à la police, le passage des huissiers, la peur qui s’installe. Des habitants se font expulser en leur absence, leurs affaires sont jetées. Un gardien a été embauché, aux frais des copropriétaires pour éviter que les habitants se fassent casser la figure.

Quand on demande à Florian s’il reçoit chez lui, il répond non, les yeux embués de larmes. « C’est une situation transitoire, insiste-t-il. Il faut tenir, ma stratégie, c’est de mettre de l’argent de côté, avoir un CDI et acheter sur Paris, même si je suis de moins en moins serein de dormir ici. Je pense à la rue d’Aubagne (à Marseille, des immeubles vétustes se sont effondrés en 2018). »



Au troisième, Maxime, 34 ans, a évité un squat. « La police est arrivée pile poil à temps ! raconte ce bailleur qui pensait faire un placement. L’immobilier est un sujet que les Français adorent mais, dans la campagne présidentielle, on préfère parler sécurité, immigration, pas de logement ! » Il aimerait que le ou la future présidente s’empare vraiment du sujet. Même avis pour Benoît, 42 ans, propriétaire au troisième lui aussi. « C’est hallucinant de se dire qu’on ne peut même pas jouir de son bien immobilier », peste le père de famille.

La porte d'entrée d'un appartement dont la serrure a été forcée.
La porte d'entrée d'un appartement dont la serrure a été forcée. LP/Jean-Baptiste Quentin

Ce studio devait être un complément de revenu pour sa mère âgée de 77 ans. « Elle a travaillé toute sa vie avec mon père, dont elle est séparée, et elle touche une très petite retraite », explique le fils. Mais l’arrêté de péril empêche l’encaissement des loyers. Le studio a été saccagé, le plancher défoncé… « Je n’en veux même pas aux squatteurs, il y a de plus en plus de gens à la rue à Paris, ça se voit. Les pouvoirs publics ne prennent pas leurs responsabilités, il faut que ces sujets-là remontent. » Il en veut à la mairie de gauche.

« L’unité de police qui lutte contre les marchands de sommeil a été réduite »

À l’inverse, Virginie estime qu’il n’y a que la gauche qui les a aidés. « C’est la gauche qui a voté la loi Elan (qui permet notamment de ne plus indemniser les marchands de sommeil en cas d’expropriation) » insiste cette Franco-Américaine de 51 ans, première expropriée de l’immeuble. Depuis son sixième étage sous les toits, c’est elle qui interpelle sans relâche depuis dix ans. Tout son temps libre y est passé, dans l’espoir de sauver ce cocon où ses enfants ont grandi. Un écrin de lumière douillet dévoré par des fissures que les plantes n’arrivent plus à masquer.

Dans cette affaire, Virginie, qui a jeté toutes ses forces dans la bataille, a perdu le sommeil et «près de 200 000 euros sur la valeur de l'appartement».
Dans cette affaire, Virginie, qui a jeté toutes ses forces dans la bataille, a perdu le sommeil et «près de 200 000 euros sur la valeur de l'appartement». LP/Jean-Baptiste Quentin

« Macron n’a rien fait pour le logement. La justice et la police n’ont pas assez de moyens pour lutter. Notre procès a eu deux ans de retard, l’unité de police qui lutte contre les marchands de sommeil a été réduite comme peau de chagrin et doit faire aussi la chasse aux sans-papiers. La crise du logement est dramatique, c’est une autoroute pour les marchands de sommeil. Ceux qui ont fait avancer les choses pour nous, c’est la mairie du XIXe, la Ville de Paris et la Fondation Abbé Pierre, qui fait ce que le gouvernement devrait faire ! Jamais un mail n’est resté sans réponse quand on était plongés dans le noir, qu’on nous menaçait de couper l’eau et maintenant pour nous sortir de là. »

Dans cette affaire, elle a perdu le sommeil et « près de 200 000 euros sur la valeur de l’appartement ». Elle va devenir locataire HLM. Le mythe de la propriété n’est plus un Graal. « On a ressenti de l’humiliation, du désespoir, mais on va être en sécurité, et il n’y aura plus personne pour nous déloger », dit-elle, à quelques semaines de son déménagement.

Pour qui iront-ils voter ?

  • Chawki, 41 ans, coiffeur, deux enfants. En 2017, a voté Mélenchon au 1er tour, Macron au second. « Cette année, il n’y a pas un vrai candidat qui sorte du lot pour le moment, j’entends surtout des promesses. Mais j’irai voter, c’est mon devoir. Et je ne vote jamais blanc. »
  • Maxime, 34 ans, agent immobilier. A voté Macron aux deux tours en 2017. « Je ne sais pas pour qui je vais voter mais j’irai voter. Pour Macron ? Je ne sais pas. Dommage que le vote blanc ne soit pas comptabilisé. Je ne suis pas déçu par les politiques, car je n’attends rien d’eux. »
  • Benoît, 41 ans, agent en assurance, deux enfants, « plutôt de droite ». A voté pour Macron aux deux tours en 2017. « Cette fois, pour moi, ça va se jouer entre Pécresse et Macron. »
  • Florian, 28 ans, juriste, « plutôt dans un milieu de centre droit ». En 2017, a voté Macron aux deux tours, « comme centre droit, ça m’allait ». « Je vote tout le temps, même aux européennes, pour moi c’est important. Je n’ai pas encore arrêté mon choix pour cette année. Je pourrais tout aussi bien voter pour une gauche crédible et unifiée, et pour faire barrage à l’extrême droite. »
  • Virginie, 51 ans, directrice artistique, deux enfants. A voté Macron aux deux tours en 2017, « je croyais qu’il serait plus à gauche, et j’avais trop peur face à Le Pen, j’ai pensé au vote utile. Mais Macron m’a déçue. Les inégalités n’ont cessé de s’accroître entre les riches, devenus plus riches et les pauvres, avec des laissés pour compte, autoentrepreneurs, intérimaires... En 2022 : je voterai gauche écolo. J’hésite entre Jadot et Hidalgo, j’aurais tellement aimé qu’ils fassent union. La candidature de Madame Taubira, pour qui j’ai un profond respect, complique énormément les choses. »
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