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Fier.e.s de travailler pour le service public du logement

 

 

17 septembre 2022 6 17 /09 /septembre /2022 17:10

CAF - Connexion

Le changement des règles de calcul des aides au logement a ralenti leur versement et mis en difficulté les agents.

Le plexiglas installé dans ce bureau de l’agence de la caisse d’allocations familiales (CAF) d’Amiens a fait rempart, non contre le Covid, sa fonction initiale, mais contre la violence. En cet après-midi du mercredi 10 août, un allocataire déjà identifié pour son comportement difficile avait rendez-vous avec un conseiller. Quand ce dernier lui a demandé des justificatifs, il s’est mis à cogner le plexi, envoyant valser l’ordinateur. Si le conseiller s’est reculé, l’agent de sécurité n’a pu esquiver les coups. Le lendemain matin, les agents de cette CAF ont exercé leur droit de retrait, des plaintes ont été déposées et les syndicats ont déposé un droit d’alerte. «Cela a été la goutte d’eau qui a tout fait ressortir», explique Yohann Leroux, délégué syndical CFDT et élu au comité social et économique à la CAF de la Somme. Si les agressions physiques restent rares, les incivilités au guichet et au téléphone sont de plus en plus fréquentes. Ces dernières concerneraient entre 15 % et 20 % des appels, indique le syndicaliste, qui établit un lien entre les tensions accrues et les versements tardifs : «Nos délais de traitement se sont allongés à cause de la réforme de l’aide au logement, de nombreux bugs informatiques qui persistent et du manque d’effectifs qui concerne tous les services. Plus il est difficile de nous joindre, plus l’agacement monte chez les allocataires. Cela fait boule de neige.»

«La bérézina»

A Amiens comme dans le reste de la France, lorsqu’ils allument leurs écrans d’ordinateur les agents de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) voient s’afficher une météo un peu spéciale : des soleils quand tout va bien, et des nuages gris quand les indicateurs de qualité des services sont au rouge. Ces derniers mois, le ciel des CAF a été plutôt chargé. «Avant, dans mon département, on avait tout le temps des soleils, là ce n’est plus du tout le cas», raconte Audrey Granet, salariée de la CAF du Puy-de-Dôme et membre du collectif Sécurité sociale de la CGT. La situation n’est pas nouvelle : elle dure depuis plus d’un an et demi. Soit depuis que la réforme des aides au logement (APL) est entrée en vigueur le 1er janvier 2021, après deux reports. Pilotée par le cabinet de conseil McKinsey, pour un coût de près de 4 millions d’euros, la refonte du système avait pour but de simplifier le versement de l’aide au logement (1). Mais c’est plutôt l’inverse qui s’est produit à son lancement. «C’était la bérézina complète, résume Joël Raffard, administrateur CGT au conseil d’administration de la Cnaf. Certains allocataires ne touchaient plus rien, d’autres pas assez.» «Le chaos», complète Frédéric Neau, secrétaire adjoint de la section fédérale FO des organismes sociaux. La bascule a entraîné des couacs informatiques en cascade sur le traitement des dossiers d’APL et d’autres prestations interdépendantes.

«La situation a été catastrophique, là c’est mieux, mais toujours compliqué : la liaison avec le nouveau logiciel ne se fait pas toujours», précise Audrey Granet. Résultat : un embouteillage de dossiers en souffrance, quand ils ne sont pas introuvables. Selon les syndicats, 17 000 demandes d’APL ont été «perdues» au niveau national l’an passé. La direction de la Cnaf évoque plutôt des dossiers «bloqués dans les flux informatiques» auxquels les agents n’avaient pas accès mais qui auraient tous «bien été récupérés et traités». Un trou noir dans lequel est peut-être tombée la demande de Sophia, étudiante en Essonne : envoyée en novembre, elle n’a été traitée qu’en mai dernier. «On a traité au cas par cas. Ça fait partie des dossiers qui ont pu prendre du temps, car les gens ont pu mettre quelques jours avant de comprendre qu’il y avait un problème et contacter leur CAF», expliquait, en juin, Nicolas Grivel, l’actuel directeur général de la Cnaf. Y a-t-il eu une communication pour alerter les éventuelles victimes de ce bug ? Celui qui a pris ses fonctions en novembre 2021, explique ne pas être en mesure de répondre.

Interrogé par Libération, le nouveau DG assurait alors que les «anomalies» informatiques étaient «revenues à un niveau antérieur à la réforme de 2021». Les indicateurs seraient même en train de repasser au vert : «On est allé au-delà de 5 millions de pièces en attente [les documents envoyés par les allocataires, ndlr] et on se rapproche de 4 millions, soit les niveaux d’avant crise. Mais la situation au départ n’était pas simple, et la perception de l’amélioration est progressive et partielle.» Les délais de traitement des dossiers annoncés sur les sites des CAF laissent songeurs : fin août, celle de Seine-Saint-Denis était en train de traiter des demandes (hors minima sociaux) déposées fin avril. Ces indicateurs correspondent, assure la direction, à un délai maximum et pour certains dossiers uniquement.

«cercle vicieux»

La direction de la Cnaf insistait sur un autre chiffre : «70 % des demandes sont traitées en moins de quinze jours.» De quoi agacer le secrétaire général du syndicat CFDT Protection sociale Bretagne, Guillaume Danard : «Ce sont des chiffres de communicant ! Pour certains allocataires, on en est bien loin, et il y a des disparités territoriales. Le réseau des CAF est en tension : Les appels téléphoniques ont fortement augmenté. Aujourd’hui, nous avons plus de 2 millions de dossiers en instance. Certaines CAF ont dû fermer ou limiter leur accueil, on est sur une dégradation du service rendu, avec des difficultés à faire valoir leur droit notamment pour les plus précaires.» Pour les syndicats, la situation pourrait même s’aggraver, alors que la rentrée va être marquée par une forte arrivée de dossiers de demande d’APL d’étudiants.

«C’est un cercle vicieux», prévient Frédéric Neau de FO, qui pointe «l’exaspération» des deux côtés du guichet. Seul le sens du service public, souligne Audrey Granet, «pousse les agents à tenir». Mais tous n’y parviennent pas et la cégétiste s’alarme de voir des collègues démissionner : «Avant, la Sécurité sociale, on y restait. Mais c’est fini.» La direction de la Cnaf reconnaît «un point de vigilance» en matière d’attractivité, mais pointe aussi le contexte particulier du Covid. Les syndicats, eux, évoquent un quotidien dégradé bien avant. En chœur, ils pointent un manque de moyens humains.

La dernière convention d’objectifs et de gestion (COG) signée entre l’Etat et la Cnaf pour la période 2018-2022 prévoyait la suppression de 2 100 équivalents temps plein, un objectif revu à la baisse, la direction évoquant une perte de 1 600 postes compensée pour moitié par de nouvelles créations d’emploi. Trop pour les syndicats qui réclament la titularisation des CDD et craignent une nouvelle saignée, alors qu’une COG doit être négociée en fin d’année. En mars 2022, un chiffre dans un article de France Info a fait sauter au plafond tous les salariés de la CAF : «Un soutien d’Emmanuel Macron», y prédisait une suppression de 20 000 postes à venir sur les 35 000 existants. Un «chiffre fantaisiste, qui n’existe pas», assure la direction.

promesses

S’ajoute une inflation galopante, qui n’épargne pas les agents de la CAF. «En 2017, on a eu une augmentation collective de 0,5 %, c’est-à-dire rien du tout. A part ça, la valeur du point n’a pas augmenté depuis 2010», pointe Frédéric Neau de FO. Sauf une mesure sur les augmentations individuelles, précise la direction. Nouvelle déception : les rémunérations des agents de la CAF - liées au point d’indice de la fonction publique, même s’ils ne sont pas fonctionnaires -, n’ont pas été concernées dans un premier temps par la hausse de 3,5 % de ce dernier annoncé par le gouvernement au début de l’été. Des chiffrages ont néanmoins été faits en vue du prochain examen du budget de la Sécurité sociale : pour environ 200 000 agents, la dépense représente 20 millions d’euros par mois. Les crédits devraient être alloués pour une revalorisation effective à l’automne, à la suite d’une négociation avec les partenaires sociaux. Jean-Christophe Combe, qui demande à la Sécu d’ouvrir des négociations, le reconnaît : «Il y a un sujet d’attractivité des métiers de la Sécurité sociale, comme dans l’ensemble du champ social et sanitaire. Il est nécessaire de les rendre plus attractifs. C’est quelque chose que je veux porter.»

Les agents devraient être concernés par une autre promesse de campagne : la mise en place du versement à la source pour l’ensemble des prestations. La perspective les réjouit modérément. «Nous à la CFDT, on y est favorable. Il y a un travail à faire sur le non-recours. Sur le plan technique, c’est possible, mais avec des effectifs suffisants», précise le cédétiste. D’autres, comme le cégétiste Joël Raffard sont bien plus dubitatifs : «Techniquement, ce n’est pas la peine d’en parler à l’heure actuelle, c’est inimaginable.» Audrey Granet, de la CGT, abonde : «Vu comment ça ne fonctionne pas aujourd’hui, je ne vois pas comment ça peut marcher une prestation unique, notamment sur les cas particuliers ou mouvants. Aujourd’hui les parcours de vie sont compliqués… Dans les CAF, les gens n’y croient pas.»

par  Amandine Cailhol

(1) Les APL sont désormais calculées sur la base des revenus des douze derniers mois, contre deux ans auparavant.

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